24 janvier 2016

Pays, mon pays

Ils se tiennent droits et ils regardent bien en face d'eux, leurs interlocuteurs d'un autre monde, un monde qui n'a jamais connu de telles difficultés.

Et ils racontent.

Ils sont là pour ça.

Pour dire les années de galère et comment ils s'en sont sortis. Pour dire qu'ils ont encore des efforts à faire pour améliorer vraiment leur situation, pour tout simplement mener une vie normale, ou la vie qu'ont toujours eu les gens qui les écoutent.

Ils ne se plaignent pas. Ils sont fiers de leurs réussites.

Ils ont soulevé des montagnes d'indifférence.

Elle est malienne, elle n'a pas trente ans, un diplôme de médecin et deux petits enfants. Elle vit à l'hôtel, elle a un travail, le projet de faire valider son diplôme pour exercer en France. Elle s'exprime avec un accent ondulant et des mots choisis. Je me dis que j'aimerais que mes fils parlent comme elle.

Il est soudanais, du Darfour, réfugié politique. Il a toujours travaillé comme mécanicien, depuis l'âge de dix ans, quand son père le laissait venir à l'atelier. Il vit dans un foyer, il a tout laissé. Il s'excuse de ne pas très bien maitriser le français. Derrière sa voix douce et calme, sous ses phrases banales, on perçoit les deuils successifs, la volonté de vivre libre, même dans un pays trop froid qui ne veut pas tellement de lui.

Et puis, en guise de conclusion, l'un de ces privilégiés qui les ont écoutés lance :
- Ils ne sont pas très représentatifs de la population du territoire. Deux Africains, vous comprenez...

Non, je ne comprends pas. Les autres non plus, vu leur consternation.

Ils sont partis, les deux Africains. Ils sont retournés ajouter leur génie et leur énergie à ce territoire qu'ils représentent semble-t-il si mal. Et moi je préfère vivre dans le même pays qu'eux que dans les étranges contrées de ce racisme ordinaire.

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