18 novembre 2015

Bouclier

Politiquement, mon père et moi sommes un peu comme l'Allemagne et la Pologne après la guerre. Nous glissons ensemble. Il est parti du centre droit, moi de l’extrême gauche. Et nous nous déplaçons de 200 kms vers l'ouest. Je vous laisse regarder la carte de mai 1939 et celle de 1945.

Bref, mon père et moi sommes rarement d'accord en politique.

Mais là, si. Nous sommes d'accord. La démocratie ne s'épanouit pas sur un terreau sécuritaire qui donne le pouvoir à la police de faire des perquisitions préventives et permet de museler la presse. Les rassemblements et manifestations sont interdits à Paris et en proche banlieue. Bien sûr, on ne va pas chasser les gens qui posent des fleurs sur les barrières près du Bataclan. Mais si demain, je ne suis pas d'accord avec la politique du gouvernement et que je veux descendre dans la rue pour protester, je ne pourrai pas, et vous ne pourrez pas vous joindre à moi (ce serait sympa de défiler sous une banderole "synecodques", vous ne trouvez pas ? J'amènerais les vikings pour faire le service d'ordre).

C'est fragile, la démocratie. Et la première victoire des terroristes, ce n'est pas de nous avoir chassés des terrasses sympas autour de la place de la République. C'est de nous faire abdiquer nos libertés élémentaires pour nous cacher derrière un bouclier de CRS. (je n'ai rien contre les CRS, leurs boucliers sont bien utiles et ces policiers m'ont évité de me faire éborgner dans la rue). Quand on en arrive à prendre des armes pour se défendre comme nous le faisons, c'est que le débat est derrière nous, et que Marianne pleure en silence dans une salle vide. Seule.

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